VOYAGE réinvention sont
VOYAGE réinvention sont omniprésentes. Le paysage culturel ne cesse de se transformer en raison du dialogue intense et continu entre la culture des Shanghaïens locaux et celles des expa - triés ». En effet, comme Xu le dit très bien, cette communauté étrangère est le reflet de 800 ans de commerce international dans et autour de Shanghai – depuis Marco Polo au 13e siècle, en passant par l’époque coloniale européenne, jusqu’à l’ouverture d’un nouvel Apple Store. Mais tôt ou tard, les nouvelles constructions finissent par les remplacer. Les rues jadis animées par une activité locale bouillonnante et constante vivent à présent au rythme des horaires de bureau, des centres commerciaux et des appartements avec services hôteliers. Il serait futile de condamner le changement car le changement est le carburant du moteur de la Chine. Et le moteur de la Chine aide le monde moderne à fonctionner. Nous pouvons regretter que les communautés locales disparaissent. Toutefois, pour de nombreuses familles qui habitaient la vieille ville, ce déménagement forcé représente une opportunité d’ascension sociale – certaines de ces vieilles maisons en bois n’ont même pas de toilettes intérieures. Chaque jour, les rues témoignent du tiraillement incessant de Shanghai entre la vie traditionnelle et l’ardeur de la modernité. Cette scène quotidienne en est le parfait exemple : une voiture de 90 000 $ est garée devant un petit restaurant de rue pendant que son propriétaire, assis sur un tabouret en plastique devant une table commune bancale à même le trottoir, mange un bol de nouilles au bœuf à 3 $. Continuez votre chemin dans la vieille ville et rapidement, vous entrerez dans le quartier le plus célèbre de Shanghai : la concession française – une enclave coloniale sous administration française de 1849 à 1943. Promenez-vous un instant dans ces rues bordées d’arbres et vous aurez l’impression d’être dans un arrondissement de Paris, avec des anciennes villas, des cafés, des boulangeries – et plein de Français. Vous y trouverez grand nombre de boutiques, bars et galeries d’art, notamment Leo Xu Projects, une galerie de renommée internationale dirigée par le Shanghaïen Leo Xu. « Le patrimoine culturel et architectural de la concession française est très riche et en habitant ici, la vie est douce et très agréable », explique-t-il. « Les loisirs, les sorties nocturnes et l’art prédominent dans ce mode de vie. » Le quartier est placé sous le signe du passé de Shanghai. Bien que l’on puisse penser que tout ce qui est vieux est dénigré et détruit au bulldozer, la concession française reste cependant le cœur culturel de la ville : « À Shanghai, la fusion et la La caractéristique principale de Shanghai est son rythme de vie en accéléré. Quittez cette ville une semaine. À votre retour, vous trouverez de nouvelles routes, de nouvelles entreprises. C’est semblable au jeu vidéo de construction de ville SimCity, avec la vitesse maximale « Cheetah ». Les changements sociaux sont également rapides. Shanghai est un endroit fascinant pour tout observateur de la vie culturelle. Les exemples foisonnent : il y a quatre ans, rares étaient les magasins indépendants vendant du vin – contrairement aux supermarchés et aux restaurants où il était possible d’en trouver facilement. Puis, tout à coup, les boutiques de vin et les bars ont poussé comme des champignons. À mesure que les classes moyennes émergentes développèrent leur goût pour le vin, les entreprises chinoises achetèrent des vignobles et le volume de vin importé augmenta. La Chine est à présent le plus grand marché mondial pour le vin rouge et le cognac. Les modifications sociales concernent également la bière importée et le café qui gagnent en popularité, au détriment du thé traditionnel. En outre, le luxe non ostentatoire est en plein essor (la Chine est à présent le deuxième marché du luxe au niveau mondial). Les ventes de sacs à main ornés d’un logo ont diminué. La philosophie de la conception tout en nuances de chaque marque est plus importante que le logo lui-même – aujourd’hui, contrairement à il y a cinq, on voit moins Chanel et Gucci et plus Balenciaga et Margiela. Un secteur de la culture de la ville qui n’a pas changé est la scène du jazz. L’Américain Brian McKay a résidé ici pendant dix ans. En décembre dernier, il a ouvert un club de jazz, le Heyday, déjà très prisé. « Dans les années 1930, Shanghai était une ville très internationale. C’était l’endroit où l’Orient et l’Occident se rencontraient, où régnaient la sophistication et le charme. C’était aussi une époque marquée par la croissance et tous les possibles », explique-t-il, en reconnaissant que ces mots qualifieraient aussi parfaitement le Shanghai de 2015. « Plus ça change, plus c’est la même chose » est un proverbe que vous pourriez entendre dans la concession française. L’évolution de Shanghai est en effet impressionnante mais cette ville a aussi tout à fait conscience de son rôle historique et de son importance en tant que carrefour des cultures. Au même rang que Londres dans les Swinging Sixties ou de New York dans les années 80, Shanghai est probablement la capitale mondiale d’aujourd’hui. Simultanément, l’Empire du Milieu joue d’ailleurs un rôle de plus en plus central dans le succès de la modernisation rapide de notre monde. 40 j NUMÉRO SPÉCIAL BLOCKBUSTERS
LE PAYSAGE CULTUREL NE CESSE DE SE TRANSFORMER EN RAISON DU DIALOGUE INTENSE ET CONTINU ENTRE LA CULTURE DES SHANGHAIENS LOCAUX ET CELLES DES EXPATRIÉS. DES TOURS IMMENSES, DE LONGUES NUITS Page ci-contre : la ville ne manque pas d’édifices prestigieux : depuis la tour du Centre mondial des finances de Shanghai (SWFC) ou le « décapsuleur » avec ses 101 étages (à gauche) jusqu’à la tour Shanghai (à droite), la dernière en date avec ses 121 étages. Cette page : la métropole la nuit. NUMÉRO THE SPÉCIAL BLOCKBUSTERS ISSUE j 41
